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Masanori TSUKAMOTO

By 6 février 2024février 12th, 2024Professeur·es invité·es 2024

Mars 2024

La poétique l'inhumain

Depuis la fin du XIXème siècle, nous assistons de plus en plus fréquemment à la description de l’effondrement de l’esprit, où ce qui semble être une réalité immuable perd soudainement son sens. Les écrivains racontent sans cesse ce moment où la réalité de la vie quotidienne se décompose et commence à ressembler à une masse inexplicable. Comment un tel événement peut-il se produire ?
Dans cette chute dans un monde « inhumain », nous observons deux tendances apparemment contradictoires, qui pourtant finissent par converger vers une conception nouvelle du sujet, profondément marquée par un état de réceptibilité aigüe. Il y a, d’une part, une perte totale de la lisibilité du monde ; mais de l’autre, la résurgence d’un sens, désormais établi par l’interpénétration de l’esprit et du monde.
Examiner la poétique de l’inhumain conduit d’abord à réfléchir aux sentiments produits par la perte de l’apparente stabilité de la vie quotidienne, par la constatation que l’environnement, apparemment stable grâce à l’humanisation, est complètement bouleversé et se désintègre en perdant son fondement. En même temps, il s’agit d’examiner la dynamique fondamentale de la perception humaine, capable de revenir d’un tel sentiment de déperdition au quotidien. Seulement, celui qui revient n’est plus le même que celui qui est jeté dans le non-sens du monde autour de lui.
À partir d’une telle perspective, Masanori Tsukamoto propose de suivre, au fil de ce cycle de conférences, les « poétiques de l’inhumain » chez Valéry, Mishima et Merleau-Ponty.

PROGRAMME

6 mars 2024| 17h – 18h | Affiche | Amphi Guillaume Budé, Collège de France, 11 place Marcelin-Berthelot | Les recherches sur le rêve chez Valéry, Proust et Myōe

Les écrivains de la première moitié du XXe siècle nous convainquent que l’écriture est profondément liée au sommeil. Valéry, tout comme Proust, trouve dans le sommeil une affinité étroite avec l’écriture. Mais que peut-on savoir de ce qui se passe lorsque on perd conscience pendant la nuit ? Il s’agit, à travers l’examen du rêve et du sommeil – dont l’essence nous est profondément inconnue –, de savoir comment acquérir le pouvoir de décomposer la vie ordinaire afin d’en combiner autrement les matières éparses, fragmentaires et accidentelles, aux profits d’un monde en corrélation étroite avec les « variations » de l’esprit. Dans cette conférence, il sera question des recherches sur le rêve et le sommeil développées par ces deux écrivains, du point de vue de la « poétique de l’inhumain », et avec des renvois au Journal des rêves de Myōe (1173-1232), moine bouddhiste japonais de l’époque de Kamakura.

7 mars 2024| 14h – 16h | Salle IHMC, 45 rue d’Ulm | Mishima et la poétique de l’inhumain

Cette conférence propose une lecture des Confessions d’un masque du Yukio Mishima (1949) du point de vue de la « poétique de l’inhumain ». Le sentiment d’étrangeté et de bêtise, constitutif de cette poétique, apporte une reconfiguration singulière sur le plan de la temporalité : le temps perd la durée habituelle de l’expérience humaine. En examinant la description d’un monde sans quotidienneté, essayons de suivre comment le narrateur s’écarte volontairement du « noyau humain » de la réalité vécue.

15 mars 2024| 14h30 – 17h | Salle Borel U201-203, 29 rue d’Ulm | Valéry et la poétique de l’inhumain (séance conjointe avec le séminaire de recherche de l’« Équipe Valéry » de l’ITEM)

Dès son texte de jeunesse, l’Introduction à la méthode de Léonard de Vinci (1894), Valéry insiste sur l’importance de ne pas reconnaître les choses que l’on voit, de ne pas les comprendre, afin de mieux percevoir ce que la rétine reçoit véritablement. Pour lui, la chute dans un monde dénué de sens est une nécessité de la pensée, afin de mieux saisir les grains et les textures du monde sensible. Tout peut devenir étrange dès le moment où l’on se sent « ne point posséder la clé, n’être point instruit des règles, des signes, des correspondances, ne pouvoir deviner le sens de ce que l’on voit » (« Le retour de Hollande »). Essayons d’examiner différents aspects de ce regard étrange et étranger chez Valéry.

21 mars 2024| 14h – 16h | Salle IHMC, 45 rue d’Ulm | Bêtise, bestialité et poétique : Valéry et Flaubert, autour de La Tentation de saint Antoine, en dialogue avec Anne Simon (CNRS/ENS, République des Savoirs-PhilOfr), sur « La Légende de saint Julien l’Hospitalier »

Valéry et Flaubert ne considèrent pas la bêtise comme la marque d’une intelligence de degré inférieur. La bêtise, au contraire, est chez les deux écrivains quelque chose de productif. C’est une force extraordinaire, qui n’est certes pas orientée vers des fins rationnelles, mais qui ne cesse d’engendrer des choses pleines de charme et à l’état naissant. Valéry et Flaubert s’abandonnent parfois à ces charmes non pour s’y plonger, mais pour en tirer matière à écrire. Comment donc ont-ils tenté d’inclure la bêtise dans leur écriture ? La Tentation de Saint Antoine (1874) est un livre de jeunesse de Valéry, qui met Flaubert au même rang que Baudelaire, Mallarmé et Huysmans. Cette œuvre de Flaubert exerce une influence indéniable sur « La soirée avec Monsieur Teste » (1896). Essayons de dégager la conception valéryenne de la « bêtise », pour procéder ensuite à la comparaison des deux écrivains de ce point.
Anne Simon reviendra pour sa part sur la bestialité chez Flaubert, en examinant dans quelle mesure l’humanité du protagoniste et l’ordre vital du monde sont à divers titres mis en question par la problématique de la chasse dans La Légende de saint Julien l’Hospitalier. Ce conte hanté par la porosité des frontières entre animalité, humanité et sainteté déploie en effet une poétique du carnage et de l’élévation où se joue une surimpression troublante.

28 mars 2024| 14h – 16h | Salle IHMC, 45 rue d’Ulm | La notion d’implexe et la poétique de l’inhumain — Valéry et Merleau-Ponty

Dans les Recherches sur l’usage littéraire du langage, notes préparatoires du cours au Collège de France en 1953, Merleau-Ponty analyse la notion valéryenne d’« implexe » et révèle une conception singulière du langage chez Valéry. Selon ce dernier, la parole, et notamment la « parole intérieure », plonge le sujet à la croisée de l’activité et de la passivité, de l’identité du même et de l’ouverture à l’autre, du singulier et de l’universel. Elle finit ainsi par détrôner ce « moi » croyant maîtriser tout ce qui se passe dans ses activités mentales. Cette conférence propose de lire les Recherches sur l’usage littéraire du langage dans le prolongement de La prose du monde, comme un texte où Merleau-Ponty vise à éclairer « la science et l’expérience de l’expression », et de comparer ensuite ses arguments avec les considérations de sur le langage intérieur de Valéry. En effet, ce dernier met de l’avant l’importance du discours de l’autre, du corps et des relations complexes entre passivité et activité dans la phase de surgissement de la parole.

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