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« La mémoire a deux portes : veoir et oïr »

Richard de Fournival, Bestiaire d’amours

Ouvrir les portes de la mémoire par la vue et par l’ouïe : la métaphore sensorielle que propose le penseur médiéval peut être reprise pour appréhender les performances contemporaines qui investissent des traces sensorielles et culturelles d’un passé très ancien pour les ouvrir au présent. Cette actualité créatrice a ses moments de résurgences privilégiés et ses corpus de prédilection, modulables en fonction des inquiétudes qui modélisent l’actualité des œuvres : le Moyen Age contemporain se construit en miroir du public auquel il s’adresse (fort divers), et des enjeux esthétiques et politiques qui y sont projetés (souvent conflictuels). Néanmoins, au sein de cette production hétérogène, la performance qui s’inspire de corpus médiévaux pour penser le présent manifeste toujours en retour la puissance d’appel des œuvres du passé. L’incarnation des textes (joués, chantés, transposés, mis en scène) rappelle aussi combien les œuvres littéraires médiévales dépendaient du corps et de son environnement pour prendre sens et vie.

Translitteræ se propose ici d’archiver quelques-unes de ces performances contemporaines pour créer des liens : liens virtuels, prenant acte des possibles auxquels ouvrent les nouveaux médias pour accompagner la mémoire des œuvres et assurer de nouvelles voies à l’invention ; liens réels aussi bien, entre les générations, la critique et la création, l’université et la cité.

Notre attention aux réappropriations contemporaines d’œuvres médiévales ne se limitera pas au contexte occidental ; nous chercherons à ouvrir nos yeux et nos oreilles à la croisée des cultures, au Moyen Âge et aujourd’hui : l’aventure épique et chevaleresque, la fiction courtoise, les contes orientaux, la poésie d’ici et d’ailleurs, le Genji monogatari, le poème chinois à lecture retournée croiseront leur mémoire dans ces archives virtuelles, pour mettre au jour la diversité des corpus sollicités par la création contemporaine, et donner à voir et à entendre la pluralité esthétique des Moyens Âges qui nous hantent aujourd’hui.